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She wore blue velvet
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6 juin 2013

"Vous prendrez bien une tasse de thé ?", de Claude Keller

Bonjour, bonjour !

Cela sonne comme un titre idéal en ce mois anglais mais non : c'est bien de littérature française dont il sera question aujourd'hui !

Au cours de l'une de mes dernières escapades à la bibliothèque, je m'aventurai pour la première fois du côté du rayon réservé aux Premiers Romans, idée qui ne m'avait pas encore traversé l'esprit, étrangement.

Excepté un roman, exposé dans toutes les bonnes librairies, Le dernier Lapon d'Olivier Truc, polar étourdissant, brillant, que je vous conseille plutôt deux fois qu'une, tous m'étaient étrangers. Je me suis donc laissée guider par les apparences : couvertures, titres, résumés, petits commentaires et c'est ainsi que j'ai sélectionné Vous Prendrez bien une tasse de thé ? de Claude Keller. Je suis certaine que plus d'un(e) en cerneront les raisons en apercevant l'emballage ! Quant à la petite phrase-qui-tue, en quatrième de couverture (celle qui amène à se demander si on a vraiment lui le même livre que celui qui l'a rédigée...) elle promettait un roman : "plein de charme, drôlerie, poésie". Tout pour plaire, en somme.

tasse de thé

Sauf que si ce roman délivre une bonne leçon, c'est qu'il ne faut pas se fier aux apparences, dans la vie, comme dans une bibliothèque !

Quelques mots de l'histoire, tout de même.

Celle-ci se déroule dans les beaux quartiers de Lyon, autour de la période de Noël. La ville respire sous la neige et les illuminations ; la fameuse Place Bellecour est animée, tout autant que cet immeuble bourgeois et tranquille dans lequel nous pénétrons, à la rencontre de ses habitants. Comme dans tout immeuble (surtout dans une grande ville), les voisins se croisent sans se connaître ou alors... C'est qu'ils cachent bien leur jeu. Lorsque Dora, lycéenne de quinze ans (fille de psy et de soprano -on doit nous le répéter environ un millier de fois), en fugue avec son petit ami Benjamin, petit voyou de son Etat, prennent en otage une vieille dame innocente, tout bascule. D'autant que Benjamin, cet enfant de la Ddass (vive le couple façon "La Belle et le Clochard", très novateur...) est poursuivi par son meilleur ennemi, le cinglé Rumi, prêt à tout pour se venger et regonfler son ego de perdant sans cesse mis à mal. Commence alors un grand chassé-croisé entre les étages tandis qu'explosent secrets de famille et sanglantes vérités.

Ainsi posées, les choses se présentent plutôt bien, vous ne pensez pas ? Pour ma part, c'est le genre de scénario (car on est proche d'un film, voire d'une pièce de théâtre avec décor amovible et portes qui claquent) qui me séduit : la vie de vos voisins comme vous ne l'avez jamais vue, façon Perec, avec une pointe d'humour noir et ce qu'il faut de romantisme et de suspense.

Malheureusement, passées les quinze, vingt premières pages, toutes mes illusions s'étaient envolées et au bout de quelques chapitres, je n'avais déjà plus le moindre espoir de passer un bon moment.

Je n'ai vu aucun signe de "drôlerie" ou de "poésie", bien au contraire. Reposant sur des personnages stéréotypés auxquels il est impossible de s'attacher tant ils sont détestables et convenus, Vous prendrez bien une tasse de thé ? est d'une vulgarité sans nom et terriblement malsain (j'aurais pu relever les "Putain", "baiser", et compagnie). Se met en place une espèce d'engrenage "policier" qui n'est qu'un prétexte pour faire exploser une violence qui m'a beaucoup dérangée. Par ailleurs, l'ensemble est très mal fichu, les chapitres s'enchaînent sans charme (on n'est jamais saisi par le moindre suspense ni la moindre émotion), jusqu'à une fin tout à fait bâclée : l'auteur, ne sachant comment se sortir de son histoire sans queue ni tête, s'en sort avec une pirouette en forme d'épilogue.

L'accumulation de clichés et le manque de psychologie sont d'autant plus regrettables que Claude Keller est psychothérapeute, tout comme le père de Dora d'ailleurs, qui n'a pas l'air plus professionnel que l'auteur, persuadé que sa fille est anorexique, parce qu'elle a quinze ans et porte des vêtements larges. Et je ne vous parle pas du soi-disant "fantôme" qui circule dans les étages... Ridicule et sans intérêt.

Malheureusement, si le fond est creux, le style de l'auteur ne sauve pas la donne. Ce dernier ne connait qu'une chose : la parataxe. Tous les personnages s'expriment exactement de la même manière : des phrases brèves, juxtaposées, sans lien entre elles (les connecteurs logiques sont les morphèmes interdits du monde grammatical de Keller). D'une part, c'est fortement agaçant -dès lors que rien ne justifie cette construction, idéale pour instaurer un climat d'urgence et de suspense-, mais cela témoigne aussi de la vacuité des personnages qui ne se différencient absolument pas les uns des autres par leur parlure, ce qui me semble pourtant assez fondamental dans un roman où se côtoient personnages d'âges et de milieux sociaux si différents.

A titre d'exemple, pour prouver ma bonne foi, voici un très court extrait :

"Il a les joues creusées. Dora est très inquiète. Elle lui tient la main. De temps en temps, elle la presse".

Tout ça est donc terriblement lourdingue et la tentation d'arriver à la fin en passant par un chemin de traverse -huuummm ! la belle diagonale que je vois là !- très grande !

Un premier roman qui n'en appelle pas d'autres -non, non, non, sans façon- mais qui me permet d'inaugurer une nouvelle rubrique intitulée "Zéro pointé" et que j'espère ne pas nourrir trop souvent !

Dites-moi, mes Chers, quelle est votre dernière mauvaise pioche littéraire ?

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Commentaires
F
Quel dommage, avec un si joli titre... !!
M
Comment peut-on gâcher un titre pareil ?! Et si en plus d'être vulgaire c'est mal écrit, on frise le crime de lèse-majesté.
F
Je suis désolée pour toi, je déteste être déçue par un roman que j'ai moi même choisi ! <br /> <br /> Je n'ai pas eu de deception parmi mes dernières lectures. Au fait j'ai fini teacher man et j'ai beaucoup aimé. Surtout la dernière partie, à partir du moment où il enseigne en classe 205 (et l'atelier d'écriture bien sur !).Je trouve que c'est dans ce dernier tiers que le livre prend vraiment son rythme.<br /> <br /> Là j'ai attaqué Fuck America d'Edgar Hilsenrath.<br /> <br /> Bonne journée Emma :)
S
Justement, je suis entrain de lire pour lequel mon coeur balance ne balance pas du bon côté mais il y a quand même quelques passages à sauver. Par contre, pour le style c'est l'opposé du tien (et si je mettais des mots que personne n'utilise toutes les 4 phrases pour me donner un genre? ce qui est lourdingue dans son genre aussi). Avant que tu ne me le demandes ;-) je te donne le titre pour assouvir ta curiosité : il s'agit de La porte des Limbes d'Erik Wietzel
M
C'est d'autant plus dommage que je trouve la couverture très jolie ! mais tu as raison, il ne faut jamais se fier aux apparences ...
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