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22 juillet 2013

Maine, de J. Courtney Sullivan

Bonjour, bonjour !

Quoi de mieux pour bien commencer la semaine qu'une réjouissance littéraire ? Rien de tel pour solliciter enthousiasme et bonne humeur, n'est-ce pas ?

Encore une fois, il s'agit d'une histoire de femmeS, et ce à plus d'un titre. L'auteure J. Courtney Sullivan est une jeune new-yorkaise de trente ans qui a déjà connu un franc succès avec son premier roman Les Débutantes, campus novel à quatre voix féminines. Maine, qui vient transformer l'essai, reprend ce même dispositif et dresse le portrait de quatre femmes d'une même famille.

Par ailleurs, j'ai eu le plaisir de lire ce très beau et bon roman dans le cadre d'une lecture commune elle aussi très féminine. C'est qu'on est drôlement bien entre filles, pas vrai Milly ?! 

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Comme tous les étés, la maison d'Alice doit accueillir, les uns après les autres -selon un planning aussi fixe qu'injuste- quelques-uns des membres de sa grande famille. Les Kelleher compte, en effet, de nombreux enfants, petits-enfants, frères, soeurs et cousins. Mais en cette chaude saison, la belle demeure remportée il y a des années sur un simple pari par Daniel, le regretté époux d'Alice, fera essentiellement résonner les voix de quatre femmes, abritera leurs peines, leurs désillusions, gardera entre ses murs chargés de souvenirs, leurs plus lourds secrets et leurs promesses.

Alice est la doyenne de cette grande famille aux origines irlandaises -dont ils sont tous fiers-. Âgée de quatre-vingt-trois ans, elle a grandi pendant la Seconde Guerre mondiale, séparée de ses frères bien-aimés, terrorisée par un père porté sur la boisson, mais tendrement liée à sa soeur, Mary. Ombrageuse, très croyante, celle qui fut une jeune femme ambitieuse, douée pour le dessin, rêvant d'une carrière parisienne, d'une vie de femme libre, indépendante, est devenue une épouse, puis une mère résignée. Ancienne alcoolique, ayant retrouvé le chemin du vice, elle nous laisse découvrir au fil de ses confessions et souvenirs, ses blessures.

Alice et Daniel eurent quatre enfants : Pat qui forme le couple des Parfaits avec sa femme, Ann-Marie, Clare et Kathleen, la mère de Maggie

Cette dernière est la plus jeune des quatre voix que nous fait entendre l'auteure. Ecrivaine, trentenaire, new-yorkaise, elle est coincée dans une relation tumultueuse avec Gabe, un fils à papa, alcoolique, irascible et immature. Lorsqu'elle débarque dans la maison familiale, c'est en célibataire mais surtout enceinte. Sa présence n'est pas sans perturber Ann-Marie, la belle-fille, la pièce rapportée de la famille mais qui se montre plus aimante et prévenante envers Alice que ses propres filles. Véritable femme au foyer (forcément) désespérée, elle a pour passion les maisons de poupées, qu'elle décore avec grand soin et acharnement, tout en fantasmant sur un ami de son mari, qui doit d'ailleurs se joindre à eux, pour quelques jours, avec son épouse. Mère de trois enfants, Little Daniel, Fiona et Patty qui ne font que la décevoir, sa vie comme son couple ne reposent que sur des apparences si bien que, celle qui se présente dans un premier temps comme l'incarnation de la perfection, se révèle bien vite profondément meurtrie par des rêves inavoués, une vie enterrée avant d'avoir été vécue. L'arrivée de Kathleen n'arrange pas l'état de grande fragilité d'Ann-Marie. La fille d'Alice et mère de Maggie, alcoolique repentie, devenue adepte d'une vie zen et écolo, élevant des vers avec son nouveau compagnon, vit en Californie -soit, bien assez loin de sa mère et du reste de sa famille qu'elle n'apprécie pas. Il faut dire qu'elle ne fait rien pour apaiser les tensions ; toujours en colère, elle n'a jamais une parole aimable pour personne, toujours un mot acerbe pour sa belle-soeur. Seule sa fille, avec qui elle entretient une relation fusionnelle, trouve grâce à ses yeux.

Vous l'aurez compris, les femmes Kelleher ne sont pas les meilleures amies du monde et si, par le passé, les membres de cette nombreuse famille semblent avoir partagé de très bons moments, ce temps est bel et bien révolu. Le décès de Daniel, le patriarche, pilier de cette impressionnante tribu, ayant fait s'écrouler les fragiles fondations de relations en équilibre.

J'ai connu, avec ce roman, une lecture à plusieurs vitesses. Dans un premier temps, j'ai découvert, les unes après les autres, ces femmes de générations et de caractères différents, avec intérêt. Des portraits à la troisième personne qui nous permettent de nous familiariser avec leur univers, de nous faire une première idée -que l'on devine fausse, nous ne sommes pas dupes !- de leur passé et aspirations. Puis ces voix m'ont semblé répétitives, les mêmes thèmes revenaient en permanence, sur un même ton, aucune évolution ne se faisait sentir : l'alcoolisme, les origines irlandaises, la religion, les conflits familiaux,... Je ne parvenais plus à me passionner pour les femmes Kelleher qui m'apparaissaient -par ailleurs- soit antipathiques (Alice et Kathleen) soit très fades et agaçantes (Ann-Marie et Maggie). De plus, alors que je m'attendais à suivre leurs aventures estivales communes au coeur de la demeure familiale, les chapitres filaient tandis que la distance entre elles ne se réduisait pas : en effet, il faut attendre la dernière partie du roman (le dernier tiers, peut-être), pour les voir enfin réunies. Aussi, j'étais assez décontenancée, alors même que j'étais séduite par la plume vive et pleine d'humour de l'auteure qui fait preuve, envers ses personnages, de beaucoup de respect, ne portant sur ces drôles de dames, aucun jugement.

Extrait en forme de clin d'oeil aux copines :

"Parfois, elle se disait qu'elle aurait mieux fait de tomber enceinte à vingt-deux ans plutôt qu'à trente-deux. A l'époque, elle rêvait d'avoir quatre ou cinq enfants. Elle était encore jeune et assez naïve pour penser que c'était possible. (...). Les mères de famille comme Ann-Marie (...) n'avaient jamais connu le bonheur de passer plusieurs samedis d'affilée à rester au lit en regardant l'intégrale des films de Meg Ryan. Elles n'avaient jamais savouré un week-end entier passé avec un bon bouquin, vautrée sur le canapé."

Néanmoins, le petit miracle que je n'attendais plus s'est produit, celui qui jaillit entre deux pages, une vive étincelle, venue de nulle part qui donne soudain toute son ampleur à un texte, en révèle l'essence la plus pure. Les portraits qui m'apparaissaient simplement alignés, enchaînés, habités d'abrutissantes répétitions se sont métamorphosés, les quatre femmes me sont devenues passionnantes, attachantes, émouvantes : au fil des pages, des confessions des femmes Kelleher, au rythme de leurs rancoeurs, de leur lente mise à nu, J. Courtney Sullivan ne faisait que tisser des liens, nouer des correspondances, construire des ponts entre ces destinées féminines. C'est, finalement, à travers la voix de l'auteure, de ses mots si pertinents, révélateurs de sentiments insoupçonnés, que se réunissent enfin, les voix d'Alice, Kathleen, Maggie et Ann-Mary. Une voix commune qui forme le choeur et le coeur du roman : elles peuvent alors toutes se livrer, se délivrer, et l'on assiste, dans un état assez fébrile (j'ai dévoré les cent cinquante/ deux cents dernières pages d'une traite) à leur bel envol, espérant pour elles toutes le meilleur. Enfin !

Comment nier alors que J.Courtney Sullivan a parfaitement réussi son coup ? Son roman, tout comme les femmes qu'elle nous présente, cache bien son jeu, se joue de nous, et dissimule, derrière de trompeuses apparences, virtuosité et intelligence.

Après cette lecture estivale, Les Débutantes -que je lirai en septembre- saura, je l'espère, me consoler de la rentrée. Il me tarde, en tout cas, de l'ouvrir.

Petit PS  : que de coquilles dans ce texte ! A un point presque dérangeant...

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Commentaires
A
J'ai mis du temps à m'intéresser à ce roman peut-être à cause d'Alice qui me tapait franchement sur les nerfs mais je me suis laissé prendre par le talent de l'auteure.
E
Mais tu ne devrais pas me remercier, plutôt me détester ! <br /> <br /> Regarde où j'en suis à cause de cette petite boutique de la tentation !<br /> <br /> Je vais bientôt lire "Les Débutantes", en septembre (je me prépare une petite sélection "campus" !).<br /> <br /> Tu as dégoté quoi chez B.O. alors ?
M
J'en encore plus hâte de le lire maintenant, c'est malin !!! <br /> <br /> En tout cas, merci de m'avoir fait découvrir "book off", si je n'y a pas trouvé "Maine", c'est effectivement une vraie mine à bonnes affaires ... <br /> <br /> J'espère que tu aimeras "Les Débutantes"
P
Avec un peu de chance nous lirons "Les Débutantes" en même temps, car je ne suis pas sûre d'avoir le temps de le lire en août ;)<br /> <br /> En tout cas, je suis encore une fois convaincue par ta critique de "Maine", je le note !!<br /> <br /> Gros bisous !
E
Les déceptions arrivent souvent lorsqu'on a des attentes trop grandes ou en décalage avec le roman, c'est dommage mais elles font partie de la vie de tout lecteur.<br /> <br /> J'espère que ta prochaine lecture sera plus heureuse et réjouissante ma chère Milly :)<br /> <br /> Si tu lis "Tom...", sache que ce sera une presque-lecture commune car je l'emmène dans ma valise de vacancière :)<br /> <br /> <br /> <br /> Je te remercie pour mon billet. Concernant "Maine", je ne l'ai pas trouvé dérangeant, les femmes présentées m'ont semblé enfin normales, avec des caractères faillibles, des défauts mais surtout de lourdes blessures, une grande envie d'aimer, d'aimer la vie, de la réussir, finalement... C'est plutôt heureux.
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