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16 septembre 2013

Le Mystérieux Mr. Kidder, de Joyce Carol Oates

Une excellente lecture pour bien commencer la semaine, mes Doux, cela vous tente ?!

Il y avait bien longtemps que je n’avais pas lu un ouvrage de Joyce Carol Oates et ce n’est pourtant pas le choix qui manque ni les nouveautés qui affluent régulièrement pour nous tenter en librairie. JCO est une véritable machine de guerre !

Alors que j’avais envisagé de lire cet été –afin de faire fondre ma PAL- Petite sœur, mon amour, j’ai retourné ma veste estimant cette œuvre trop sombre pour les beaux jours (un a priori fondé sur… absolument rien !) ; néanmoins, ce titre figure sur ma liste d’envies-lecture automnales que j’ai commencé à établir.

Mais lorsque, juste avant mon départ pour mon « cocon-médiéval », j’ai aperçu son dernier roman à la bibliothèque, je n’ai pas résisté même si –quelques jours auparavant- Mrs Figg –autre fervente lectrice de notre JCO- en donnait sur son blog un avis mitigé. Puisqu’il était là, à ma disposition, tendant vers moi ses 240 pages –seulement-, j’aurais été bête de m’en priver.

Et, ma foi, j’ai plus que bien fait car il me semble que pour un retour vers l’œuvre de JCO, ce roman est absolument parfait, puisqu’il nous rappelle, de manière simple et limpide, les raisons de l’addiction que la lecture de ses ouvrages peut engendrer. Aussi, je me permets de penser qu’il s’agit d’une très bonne pioche pour qui voudrait découvrir la plume et l’univers de JCO, Le Mystérieux Mr. Kidder m’étant apparu comme fort représentatif de sa bibliographie tout en étant très accessible, par son sujet ainsi que son format (JCO affectionne généralement les gros pavés ^^).

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L’été ne sera pas synonyme de farniente pour Katya Spivak, jeune fille à peine sortie de l’adolescence, puisque par nécessité financière –elle est d’extraction modeste et ne peut compter sur ses parents pour l’épauler, entre une mère flambeuse irresponsable et un père absent- elle est employé comme fille au pair par la famille Engelhardt. Si le couple ne lui accorde que deux demi-journées de liberté par semaine, Katya n’est pas totalement à plaindre, son dur labeur ayant pour cadre Bayhead Harbor, une station balnéaire du dernier chic où séjournent des personnalités richissimes, entre somptueuses villas et yacht.

C’est dans cet écrin luxueux, et plus exactement devant une boutique de lingerie, qu’elle fait la connaissance de Mr. Kidder. C’est tout d’abord sa voix qui lui parvient : la surprenant, à pas de loup, ce dernier l’interroge : « Et que choisiriez-vous, s’il vous était accordé un souhait ? ». La vitrine exposant des dessous affriolants, la question peut paraître douteuse, mais c’est avant tout la tournure employée qui interpelle Katya « accordé un souhait »… Une formule de conte de fées aux oreilles de cette princesse désabusée.

Se retournant, la jeune fille découvre, quelque peu déçue, l’inconnu : un homme fort distingué, certes, mais dont les cheveux blancs témoignent de l’âge respectable. Et pour cause, Marcus Kidder, avec son allure de Fred Astaire ou de Gene Kelly, a soixante-huit ans, ce qui pousse Katya à réagir de manière courtoise mais surtout méfiante.

Néanmoins, au fil des jours puis des semaines, entre haine et séduction, des liens vont se tisser entre ces deux êtres que rien n’aurait du réunir, sinon une mission secrète, un dessein bien particulier que formulera, en tant voulu, l’homme mystérieux.

Dès le premier chapitre, dès la première page qui signe la rencontre entre les deux personnage, l’auteure place son roman du côté du conte de fées, et c’est effectivement cette impression qui m’a accompagnée tout au long de ma lecture : Le Mystérieux Mr. Kidder, dont le titre original –toujours bien plus fin- est A Fair Maiden- s’apparente à la fable, au récit initiatique. Katya campe une princesse déchue, ayant déjà perdu toutes ses illusions. Loin de chez elle, en terres inconnues, elle rencontre celui qui –chez Perrault et ses confrères- serait une bonne fée ou une marraine. Pourquoi pas une sorcière. Un être aux pouvoirs magiques, aux poches remplies de trésors, tout disposé à changer la vie de sa protégé. Mr. Kidder est d’ailleurs un personnage fort singulier, je dirais même exceptionnel, dont les talents ne cessent d’être dévoilés tout au long du roman, nous le présentant comme un artiste complet : écrivain et illustrateur de contes pour enfants, chanteur mais aussi peintre. Et c’est notamment au cours de longues séances de pauses nocturnes que l’artiste et son modèle –Katya se laissant malgré elle tenter par ce rôle- que les enjeux de chacun et les tensions inhérentes à leur relation se font jour. Entre les requêtes de Mr. Kidder et les pensées –tantôt violentes, tantôt indécises et naïves- de Katya (dont nous avons, finalement, l’unique point de vue) nous sont révélées.

A travers ce jeu de séduction pervers, le roman n’est pas sans rappeler quelques affrontements déjà mis en mots par l’auteure, je pense notamment à Délicieuses Pourritures ou, à plus forte raison, La fille tatouée. Ici aussi, opposition de classes et de maîtrise culturelle, servent de cadre aux réactions et décisions des personnages et influent sur à la relation qui se noue.

Joyce Carol Oates nous livre donc un conte « à sa façon ». On retrouve cette ambiance quelque peu malsaine qui règne sur l’ensemble de son œuvre mais surtout, les chapitres qui défilent à une vitesse folle délivre les uns après les autres la juste dose de tension et de suspense pour nous conduire sur le chemin de l’incertitude. L’auteure n’a pas son pareil pour nous plonger dans un abîme de réflexions qui rend la lecture extrêmement stimulante. Le lecteur n’est pas bercé par les mots, même si le cadre idyllique, luxueux et ensoleillé invite au lâcher prise, il leur court derrière, tels les petits cailloux menant à un dénouement d’une brutalité qui n’a d’égale que sa beauté.

Un excellent cru oatsien dont je me suis enivrée.

challenge JCO

 

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Commentaires
E
C'est un des romans les plus tentants de cette rentrée, en tout cas.<br /> <br /> Bisous :)
L
Par le biais de ta critique, j'ai très envie de m'essayer à cette nouvelle lecture. Je connais assez peu Joyce Carol Oates mais la psychologie qui semble émaner de cette ouvrage est suffisamment présente pour attirer mon attention, d'où ma grande envie de me garder ce livre à l'esprit pour mes soirées d'automne !<br /> <br /> Bisous miss.
M
Bonjour Em_ma !<br /> <br /> Je te le confirme "Petite sœur, mon amour" est particulièrement sombre (beaucoup plus que Mr Kidder par exemple). <br /> <br /> Je suis contente que tu n'aies pas éprouvé le même sentiment de déception que moi avec ce roman ... et je suis d'accord avec toi : Mr Kidder peut être un bon 1er roman de JCO pour qui souhaite la découvrir.
A
Ton article esf passionnant et me donne très envie de lire celui-là. J'avais beaucoup aimé"La fille tatouée", très puissant où le déterminisme social a en fait le dernier mot mais où également un coin du voile a été levé.
A
Il faut absolument que tu lises "petite soeur", ne renonce pas cet hiver!<br /> <br /> En "jeunesse", il y a aussi "un endroit où se cacher" et "Zarbie les yeux verts" qui sont très très bons. <br /> <br /> Bises
She wore blue velvet
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