Désirs et volupté à l'époque victorienne, au musée Jacquemart-André
Bonjour mes Doux :)
Commencer la semaine avec une balade muséale va devenir une habitude ! Mais elle est plutôt agréable, vous ne trouvez pas ? D'autant qu'aujourd'hui, je vous emmène dans l'un de mes musées parisiens favoris, celui qui m'éblouit le plus (il faudra que je vous fasse visiter Cognacq-Jay et le Petit Palais que j'affectionne également), et je suis certaine que vous allez, à votre tour, tomber sous le charme de cet hôtel particulier, véritable joyau dont voici quelques aperçus.
Il me semble qu'un tel écrin conférerait à n'importe quelle oeuvre une grâce unique ; c'est -en outre- un sentiment de voluptueuse plénitude, d'émerveillement qui vous saisit dès que vous franchissez les portes du musée. Traverser les appartements particuliers des maîtres des lieux, artiste et esthète, Nélie et Edouard André, admirer la lumière depuis le jardin d'hiver, gravir les somptueux escaliers qui mènent aux salles de l'exposition, nous prépare immanquablement à la beauté. Le visiteur est happé par cette atmosphère à la fois luxueuse et attirante, son esprit tout disposé à se délecter de pures merveilles artistiques.
La collection Pérez Simon, réunissant une cinquante d'oeuvres datant des années 1860 au début de la Première Guerre mondiale, n'aurait pas pu trouver plus bel écrin pour laisser s'exprimer sa magnificence.
La Joueuse de Saz, de William C. Wontner (1903)
Je ne vous le cache pas, j'ai été littéralement subjuguée par la majesté de cette exposition que j'ai traversée comme un rêve éveillé. Le musée Jacquemart-André souffre de ses travers habituels : les salles sont petites, très vite encombrées, sans doute un peu trop sombres parfois, le prix de l'entrée est élevé et il faut y ajouter quelques deniers pour un audio-guide ou un livret si l'on veut obtenir des informations sur les oeuvres car les cartels sont rares. Ceci étant, ces regrettables défauts sont peu de choses et rapidement sont oubliés au profit du ravissement. Etant une visiteuse matinale, j'ai bénéficié des meilleures conditions pour déambuler deux heures durant parmi les huit salle, j'ai même pu profiter de moments de solitude, au cours desquels je me suis assise face aux toiles, laissant toute mon âme s'y perdre.
Elaine, de John M. Strudwick (vers 1891)
Les oeuvres, vous l'aurez compris, sont d'une qualité rare mais le sujet même de l'exposition ainsi que la muséographie sont admirables. C'est en pleine époque victorienne que nous sommes projetés, à la découverte d'artistes nommés Lawrence Alma-Tadema, Edward Burne-Jones, John Waterhouse,... Le premier intérêt de cette exposition est qu'elle nous fait prendre conscience du contraste entre le contexte socio-économique de cette Angleterre victorienne puritaine et la sensibilité de ces artistes qui proposent une vision sublimée de la femme. La figure féminine est alors le fil rouge -je préfère "fil d'or"- de ce parcours qui dévoile les multiples sources d'inspiration des peintres. Ils reconstituent le monde antique avec une grande justesse historique, fantasment le Moyen Âge, font des femmes leurs muses ou des héroïnes romanesques, romantiques, des nymphes, des mères, ; elles sont fatales, shakespeariennes, amoureuses,... Souvent alanguies, toujours mélancoliques, elles évoluent entourées d'une nature luxuriante ou dans des intérieurs fastueux. Leur solitude émeut, leur beauté toute britannique interpelle, leur sensualité pudique émoustille. Leur attitude traduit leurs sentiments intimes et profonds. Leur silhouette comme sculptée dans des voiles, leur peau diaphane, leur regard baissé, timide ou étonnamment audacieux en font des êtres bien mystérieux. Elles sont perdues dans leurs songes, à la recherche d'un amant perdu, se préparent au danger qu'elles sont prêtes à affronter, sans courber l'échine, toutes nous racontent une histoire.
Le Chant du printemps, de John W. Waterhouse (1913)
Les thèmes parmi lesquels les artistes ont puisé leur inspiration m'ont tous passionnée, rien de moins. La salle consacrée aux héroïnes amoureuses mêlant légendes arthuriennes et théâtre shakespearien a tout particulièrement retenu mon attention. Le romantisme qui émane des toiles exposées m'a profondément touchée. Je suis restée en admiration devant Chanson sans parole et Elaine, de John M. Strudwick.
Les beautés féminines représentées dépassent l'entendement et il m'a semblé que jamais plus bel hommage nous avait été rendu. Par ailleurs, il est impossible de ne pas vaciller devant la richesse des décors, la rigueur des compositions, leur finesse. Couleurs, lumière, harmonie, perspective, précision du trait (la transparence des drapés est admirablement rendue),... tout concourt à faire des grandes scènes historiques comme des instants d'intimité des cadres d'une élégance et d'un raffinement exceptionnels.
La Boule de cristal, de John W. Waterhouse (1902)
L'attitude mélancolique des femmes, le mystère qui émane de leur forte personnalité, les diverses et nombreuses références historiques et littéraires, l'élégance des décors représentés, qu'ils s'agissent de somptueux jardins ou de landes écossaises, l'histoire que nous raconte chacune de ses toiles sont quelques-uns des nombreux éléments qui font de cet événement un moment d'exception au cours duquel le temps s'arrête. On se sent, au cours de ce parcours, à la fois privilégié et humble.
Intensément vivant.
Mon billet ne vous aura sans doute pas appris grand chose sur l'Angleterre victorienne, d'un point de vue historique, social ni même artistique. C'est que j'ai vécu cette exposition de manière plus sensorielle qu'intellectuelle et je pense que vous aurez aisément saisi les raisons de ce phénomène : ces toiles, ces femmes, ces cadres, le musée lui-même nous guident sur le sentier des songes, des sensations, des désirs et de la volupté...
Je vous souhaite de tout mon coeur de pouvoir profiter de cet événement, en vous rendant au musée ou en vous perdant dans le hors-série Connaissance des arts, très complet. En outre, le site du musée met en ligne tout le parcours, salle après salle, avec cartels et intégralité de la collection. A voir absolument.
Passez tous une très belle journée, mes Chers, et peut-être à lundi prochain pour une nouvelle exposition, qui sait ;)