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She wore blue velvet
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9 février 2014

Barbe Bleue, d'Amélie Nothomb, en livre-audio

Bonjour mes Doux :)

J'espère que vous passez un agréable week-end en dépit de ce temps plus qu'humide... D'après le calendrier Républicain, nous sommes au beau milieu de Pluviôse, le mois de la pluie. On avait remarqué, non ?! 

Encore une fois, les voies de la création artistique se sont mêlées et le célèbre conte Barbe-Bleu a rencontré la plume d'Amélie Nothomb. C'est donc d'une nouvelle adaptation de conte de fées dont nous allons parler aujourd'hui !

J'évoque les voies, mais les voix aussi ont résonné en choeur puisque j'ai découvert ce roman non par la lecture mais par l'écoute. Tellement conquise par cette nouvelle voie d’accès aux Belles Lettres, je ne cesse de multiplier les expériences.

Par ailleurs, souvenez-vous, ma première approche avait justement été l’occasion pour moi de renouer avec cette auteure que j’adorais mais que j’avais depuis quelques années délaissée, lassée de sa prose, soudainement dénuée d’imagination et d’intérêt.

Lorsque mon chemin a croisé celui de son roman Barbe-Bleue, je n’ai pas résisté à la tentation, et –telle une vilaine fille désobéissante, j’ai ouvert la porte interdite

Cet acte non manqué ne m’aura pas transformée en lectrice soumise aux critiques car ce roman m’est apparu comme un excellent Nothomb qui se prête parfaitement au jeu de la lecture à voix haute. Je pense même que c’est très probablement la meilleure façon d’accéder à ce texte pour pleinement l’apprécier. D’où l’importance de bien choisir son livre-audio car tous les ouvrages ne gagnent sans doute pas à être entendus.

doré

Avant mon humble avis, un résumé s’impose pour nous mettre dans le bain.

Comme l’annonce très explicitement le titre, ce roman revisite –par la grâce de la plume nothombienne- le conte Barbe-Bleue, sans pour autant nous en offrir une pâle copie. C’est, plus que jamais, une relecture très personnelle qu’elle nous propose, y insérant un grand nombre de ses thématiques récurrentes et usant de sa verve délectable.

Point de château, ni de vaste palais mais un modique hôtel particulier du VIIème arrondissement parisien –quartier bourgeois par excellence mais tragiquement morne- offrant pas moins de trente pièces. Rien que ça.

Son propriétaire, un homme très singulier, vivant reclus depuis près de vingt ans, cherche une colocataire. C’est ainsi que Saturnine, répondant à son annonce, fait sa connaissance. Le jour de la visite, cette Belge de vingt-cinq ans, professeure remplaçante à l’Ecole du Louvre, découvre que tous les postulants sont des postulantEs ; l’une d’entre elles profite de l’attente pour lui révéler que les sept colocataires qui les ont précédées ont disparu, envolées, probablement assassinées par le maître des lieux. Toutes les prétendantes au titre de colocataire sont donc venues au rendez-vous par curiosité plus que par nécessité, certainement pas pour incarner la huitième femme de Barbe-Bleue. Cette révélation ne suffit pas à refroidir Saturnine. D’ailleurs, comment renoncer à un loyer de 500 euros quand on doit se contenter depuis des semaines du canapé d’une amie d’enfance au fin fond de la banlieue parisienne ? Comme le dit la jeune femme, qui semble n’avoir peur de rien, « Il est moins dangereux de disparaître que de retourner à Marne-la-Vallée ».

Le contrat est signé et Saturnine dispose d’une magnifique chambre à elle, d’un chauffeur et d’un homme de ménage ainsi que d’un accès libre à toutes les pièces de la maison, excepté une : la chambre noire. Soit.

Au fil des dîners luxueux auxquels il la convie, soir après soir, Saturnine apprend à connaître son hôte. Elle découvre tout d’abord un homme au physique très banal, sans conversation, ni vie sociale, dont la seule activité fièrement revendiquée est d’être Espagnol. Que croyez-vous ? « Cela demande du temps d’honorer la dignité espagnole ».

Il est donc « digne à plein temps ». Mais, peu à peu, Saturnine lui découvre maints talents et un penchant pour l’art dont il parle avec zèle et passion. Excellent cuisinier et esthète, il a un goût très prononcé pour les œufs et se laisse séduire par le champagne dont raffole Saturnine, sous le charme de laquelle il tombe.

Qu’en sera-t-il de la jeune femme au caractère bien trempé qui, ne résistant à aucune invitation de son hôte ne se lasse pas de le contredire, d’imposer son point de vue et de repousser ses avances ? 

barbe bleue

C’est à un passionnant huis-clos que nous convie Amélie Nothomb qui privilégie dans ce roman la parole à l’action, raison pour laquelle le livre-audio me semble indubitablement le meilleur moyen d’apprécier les qualités ce texte qui, à la lecture, pourrait sembler bavard. A l’écoute, il n’en est rien, et j’ai pris un immense plaisir, chapitre après chapitre, diner après diner, à entendre cette brillante joute verbale à laquelle se livrent les deux protagonistes. Ils se distinguent par leur verve acérée qui nous amuse et nous trouble ; jouant avec les mots, noyant leurs pensées intimes sous des références culturelles impressionnantes, ils se déstabilisent comme ils font vaciller le lecteur qui ne sait plus qui mène la danse, qui est victime, qui est bourreau.  Le style d’Amélie Nothomb, son humour, cette logique absurde qui s’impose comme un des traits caractéristiques de son écriture ainsi que son amour des mots, sont mis au service d’un dialogue très dynamique, d’une vive intelligence, squelette d’une intrigue au suspense étonnamment efficace. L’auteure titille habilement notre curiosité malsaine en jouant avec nos fantasmes, notre côté voyeur aussi, qui nous jette dans une cruelle frustration à chaque fin de dîner, nous condamne à une obsession, assister au prochain. Car, même si nous connaissons l’issue du conte originel, il suffit de quelques lignes pour se rendre compte que notre conteuse en propose une version modernisée où le statut de la femme pourrait être revu et corrigé. Il est, en tout cas, de manière fort subtile, au cœur des conversations animées que mènent les personnages. 

Barbe-Bleue n’est alors pas sans rappeler Hygiène de l’assassin, premier roman publié d’A.N., à l’origine de son succès et de sa belle réputation, qui mettait en scène une journaliste face à un écrivain obèse (et accro à l’Alexandra, si je ne dis pas de bêtise, un cocktail des plus écoeurants). 

barbe bleue2

Dès ses débuts, l’auteure affiche donc son désir de rendre hommage au pouvoir du langage, à travers des dialogues aux allures d’affrontements qui conduisent à la confession, l’humiliation, à un cruel renversement des rôles, voire au crime. Chez Nothomb, les scènes dialoguées sont des scènes de bataille, les mots des armes impitoyables qu’il est préférable de savoir manier, au risque de se retrouver piégé, soumis aux désirs de l’adversaire. Autre thème récurrent dans la bibliographie de l’auteure, (elle relate ses années d’anorexie dans Biographie de la faim, notamment), relevé dans Le Voyage d’hiver, la nourriture. Elle est ici sacralisée (la religion est, par ailleurs, très présente dans ce texte puisque nous sommes en présence d'un « champion du Christianisme »). Les œufs, dans toute leur humilité, sont appréciés car ils symbolisent la vie, tandis que d’autres succulents mets, riches ou très onéreux, défilent sur la table. Toutes les scènes importantes du roman se jouent autour de cette table-champ de bataille, c’est dire l’importance des menus auxquels nous prêtons forcément attention

Je m’arrête là, mes Chers, car je pourrais continuer de disserter dès heures, en tant qu’ancienne-nouvelle admiratrice de la dame au chapeau !

Les mots de la fin ou plutôt maux de la faim, pour faire plaisir à Amélie : 

Amour, nourriture, religion, mais aussi art et beauté, Barbe Bleue se révèle un roman extrêmement sensuel, où corps, esprit, sexualité, langage, désir, volupté,… se mêlent pour nous offrir l’une des plus belles œuvres d’Amélie Nothomb. Un roman jouissif qui peut paraître dérangeant et malsain par son atmosphère mais l’est avant tout lorsqu’il nous met face à nos zones d’ombre, nous confronte à nos contradictions et nos perversions.

Un bijou d’intelligence et d’humour dont je vous recommande non pas la lecture mais l’attentive écoute.

Je vous souhaite un joli dimanche :)

PS : Si une petite envie-ciné vous prend, je ne peux que vous conseiller La Mécanique du coeur qui m'a charmée mille fois plus que le roman. Pour tout vous dire, je suis ressortie de la salle avec une seule et unique idée en tête : le revoir ! 

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Commentaires
E
Tout comme toi, je ne peux envisager un livre-audio dont l'écoute durerait des heures ! J'en vois certains qui atteignent 13 heures, 16 heures,... c'est dingue. <br /> <br /> Du coup, je pioche souvent dans la littérature jeunesse. Je garde un excellent souvenir du Tour du monde en 80 jours, notamment.<br /> <br /> Mais les Nothomb sont parfaits aussi, toujours autour d'une petite heure, juste ce qu'il faut !!
M
J'aime beaucoup les livres audio mais je les trouve souvent trop longs. Je finis souvent par laisser tomber avant la fin. Mais du coup, je n'avais pas pensé aux romans de Nothomb qui doivent être très chouettes lus et qui sont en plus très courts. Je vais tenter l'expérience, il y en a plein à la biblio.
E
Ahahahah !! Le premier matin où j'ai regardé les dessins-animés sur notre nouvelle et grande télévision, c'était un épisode des Schtroumpfs, et j'avais tellement peur de Gargamel que je me suis cachée sous le canapé ! J'avais l'impression qu'il allait sortir de l'écran !<br /> <br /> Et, tout comme toi, ce conte m'a toujours fascinée, d'une manière presque "malsaine". Petite, j'étais terrorisée autant qu'attirée par les illustrations de mon album, celle de la fameuse porte, notamment, et surtout celle qui révélait ce qu'elle dissimulait... L'horreur !<br /> <br /> J'avais aussi très peur de la case de puits, sur le plateau du Jeu de l'Oie !<br /> <br /> <br /> <br /> Certains Nothomb sont vraiment très bons. "Ni d'Eve ni d'Adam" ainsi que "Stupeur et tremblements" te plairaient sans doute, ainsi que son tout dernier, dans lequel elle évoque aussi le Japon (mais je ne l'ai pas encore lu).
C
Le conte m'a toujours fascinée, sa clef surtout, avec la tache de sang qui change de place chaque fois qu'on la nettoie. Pourtant peureuse ("Les schtroumpfs et le krakoukass" m'empêchait de dormir!), je n'avais jamais peur des contes: ils m'émerveillaient trop.<br /> <br /> <br /> <br /> Je n'ai jamais lu de livre de Nothomb, même si bien sûr j'en ai beaucoup entendu parler.
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