Les Orangers de Versailles, d'Annie Pietri
Bonjour mes Chers !
Un petit-déjeuner (ou un goûter gourmand) dans les jardins de Versailles, en compagnie du Roi-Soleil, cela vous tente comme programme ?!
Après avoir découvert l'enfance de Louis XIV, sous la plume délicate et érudite d'Anne-Marie Desplat-Duc, nous retrouvons la figure du monarque, quelques années plus tard (en 1674, précisément, alors qu'il exerce son pouvoir depuis trente et un ans) au coeur de ce roman jeunesse signé Annie Pietri. Si le bon roi Louis y tient un rôle qui n'est pas des moindres ("L'Etat, c'est moi", tout de même ^^), Les Orangers de Versailles nous offre avant tout un fascinant, trépidant, prenant face à face entre la Marquise de Montespan -devenue la favorite du roi à la suite de Louise de Lavallière, en 1667- et la jeune Marion Dutilleul, fille d'une servante et d'un jardinier, travaillant à l'orangerie du château de Versailles, sous les ordres de Monsieur Le Nôtre.
Cette frêle adolescente, orpheline de mère, possède un don extraordinaire qui lui permet de créer des parfums fabuleux. Aussi, est-elle choisie par madame de Montespan pour faire partie de ses "Occupées", jeunes filles qui doivent veiller sur le sommeil agité de la dame qui redoute l'obscurité, la nuit et l'orage. Informée du précieux talent de Marion, la Marquise demande à cette dernière de lui concocter d'odorants elixirs pour enflammer les sens du roi, auquel elle a donné quatre enfants, et qu'elle espère bien épouser un jour. Mais le Roi-Soleil est toujours enchaîné à son épouse, Marie-Thérèse, que la Montespan souhaite voir périr. Avec l'aide de l'empoisonneuse La Voisin, elle met au point un complot que Marion découvre et tente de déjouer.
Ah !!! Comme j'ai aimé ce roman dont j'ai été bien incapable d'interrompre la lecture sitôt le premier chapitre entamé. Je suis tombée sous le charme de Marion, une jeune fille toute douce, courageuse et perspicace, très touchante ; son univers est celui de la nature, du silence, des senteurs,... Une forme de poésie entoure ce personnage dont le don, la créativité, l'intelligence mais aussi le grand coeur font sa force.
J'ai été très touchée par l'un de ses rituels :
"Depuis la mort de sa mère, Marion, qui parlait peu, avait pris l'habitude de livrer le moindre de ses secrets aux grands arbres du parc royal. Il lui suffisait d'une bouteille, de quelques mots griffonnés sur une petite feuille et d'une fleur d'oranger, fraîche ou séchée, qu'elle y ajoutait toujours. C'était une sorte de cadeau, une manière d'offrir à l'arbre qui acceptait ses messages le plus doux des parfums, celui qu'elle préfèrait entre tous. (...) De branche en branche, de feuille en feuille, les grands arbres chuchoteraient ses secrets au gré du vent... Ils emporteraient vers le ciel les tourments, les bonheurs et les rêves qu'elle avait confiés à la terre de Versailles, comme un marin perdu qui met toute sa souffrance et ses espoirs dans une bouteille qu'il lance à la mer."
Cet extrait illustre parfaitement la poésie et la sensualité qui émanent de ce roman qui, en plus d'être incroyablement bien écrit, nous donne quantités d'informations quant à la vie à Versailles. Les descriptions mettent tous nos sens en éveil : il est souvent question de parfums, bien entendu, d'odeurs en tout genre -des plus délicieuses aux plus nauséabondes-, de la nature, mais également de nourriture, car une chose est sûre : on ne meurt pas de faim à Versailles ! Les banquets, festivités, diners, même les plus humbles collations nocturnes, sont des invitations à la gourmandise, voire au gavage... La Montespan tout comme la reine Marie-Thérèse, sont des becs sucrés comme on n'en fait plus. Aussi, défilent sur les tables macarons, amandines, choux à la crème et autres biscuits.
"(...) un palais antique fait entièrement de pâte d'amandes, de caramels, de fruits confits. (...). Sur une autre table, des pyramides de figues, de fraises, de cerises étaient élégamment disposées entre les bassines de confitures et de compotes parfumées."
Mais cette gourmandise a un prix et la marquise, aussi goulue que suprestitieuse, n'échappe pas à une fameuse indigestion, l'occasion pour nous d'en apprendre davantage sur la pratique de la médecine à l'époque en retrouvant le médecin d'Aquin et ses saignées.
Les Orangers de Versailles est un roman agréablement savant. Il nous initie à la vie à la cour, au quotidien des dames de compagnie, "occupées" et autre "petit personnel" (à la lingerie ou en cuisine), dresse un portrait fidèle de la Montespan (ahlala ! sacrée belette que cette favorite !), nous fait vibrer au rythme des grandes festivités, tout en nous offrant une intrigue bien ficelée autour de l'affaire des poisons. Par ailleurs, se promener dans les jardins du château, en compagnie de Marion, de ses amis Lucie et Martin, est dépaysant et rafraîchissant.
Un joli coup de coeur pour le premier volet d'une trilogie des plus prometteuses !
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