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She wore blue velvet
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17 février 2014

L'univers photographie âpre, sensuel et tendre de Anders Petersen

Bonjour mes Chers !

C'est à nouveau une exposition que je viens vous présenter aujourd'hui après avoir longuement hésité. En effet, c'est au dernier moment que j'ai pris part à cet événement photographique sur lequel la BNF (site Richelieu) a refermé ses portes le dimanche 2 février. Après quelques tergiversions, je me suis dit qu'après tout, je n'étais pas l'attachée de presse des musées parigots mais plutôt une amatrice d'art en tout genre, désireuse de partager ses découvertes. En outre, mes copinautes -qui se reconnaîtront ^^- ne résident pas nécessairement en région parisienne, aussi, une découverte -même à contre-temps- demeure sensée.

Et puis "mince" ! J'ai surtout envie de nous faire plaisir en mettant par écrit mes impressions concernant un artiste dont je ne connaissais absolument pas le travail, une oeuvre très singulière, presque contradictoire dans les émotions qu'elle suscite, les images qu'elle propose, les lieux et les âmes qu'elle explore et exploite.

anders

C'est un ami qui m'a invité à partager cette balade muséale avec lui, seulement deux jours après mon expédition au bras de Raymond Depardon. Aussi, j'ai souri en découvrant que le signe distinctif de l'artiste suédois mis à l'honneur, Anders Petersen, est l'utilisation du noir et blanc (alors que l'exposition consacrée à Depardon mettait en lumière la couleur !) et qu'il avait -lui aussi- participé à l'élaboration de cette rétrospective, choisissant lui-même les photographies exposées. Par ailleurs, ce sont ses propres mots qui nous accompagnent au fil de la visite qui -je le regrette- n'offre aucune explication technique ou factuelle (un peu frustrant lorsqu'on est très curieuse ^^).

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En un peu plus de trois cents clichés, de tout format, nous traversons près de cinquante ans de la carrière du photographe, qui se fait remarquer en 1974 avec sa série intitulée Café Lehmitz, celle que j'ai préférée.

Et pour cause ! A travers les photographies qui la composent, l'artiste rend compte de la vie nocturne dans un lieu clos, un café de Hambourg. On s'amuse à repérer et retrouver les visages, d'image en image, on reconstitue les couples, les amitiés ainsi que les événements de la soirée, comme si nous étions face à un vaste roman-photo façon puzzle ! On finit même par s'attacher à certains fêtards qu'on observe en train de danser, jouer aux fléchettes, simuler une "baston" ; les amoureux s'embrassent, les copines se marrent. Le café semble -pardonnez-moi l'expression- pourri. On devine le sol collant, jonché de mégots, l'air enfumé voire irrespirable, je ne préfère même pas imaginer les lieux d'aisance,.... Cependant, le juke-box tourne à plein régime, on s'offre des verres, on se lie d'amitié -même pour quelques minutes- ou on se promet de se retrouver dès le lendemain soir pour "remettre ça". L'ambiance semble amicale et chaleureuse, un moment de lâcher-prise pour ces personnes qui appartiennent probablement à la classe ouvrière ou qui se placent en marge de la société, des artistes, des musiciens,... Ils portent le cuir comme personne, des beaux bruns gominés, à banane, sont adossés au flipper et reluquent les dames peu farouches. C'est du 100% rock and roll !!

Si les clichés de Petersen sont aussi parlants, touchants, émouvants, c'est qu'ils sont profondément humains, tout comme sa démarche. L'artiste est un homme qui se veut proche des gens ; il se projette dans ses modèles, qu'ils soient hommes, femmes, enfants, animaux, gros tatoué, ou nymphette alanguie. Deux questions récurrentes guident sa recherche artistique : "Qui suis-je ? Qui sont-ils ?"

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A l'instar de l'écrivaine Annie Ernaux (son concept du "je transpersonnel", ses journaux extimes, traduisent son besoin de saisir et comprendre l'Autre pour se trouver et se dire soi-même), Petersen utilise son art pour toucher les gens et se reconnaître en eux. D'après lui "une photo peut changer une vie", surtout si on photographie à l'instinct, avec le coeur et non avec la tête. Il est assurément une âme généreuse dont la créativité est sublimée par un long et nécessaire travail d'approche : en effet, il tient à tisser des liens avec ceux qui seront ses modèles, ils échangent, se promènent, sympathisent,... Certains lui donnent des nouvelles des mois voire des années plus tard ! Un véritable partage que cette collaboration respectueuse et réciproque.

J'ai beaucoup aimé le noir et blanc de Petersen qui n'hésite pas à déclarer

"Il y a plus de couleurs dans le noir et blanc".

Nous sommes tentés de le croire, d'adhérer à sa bonne parole, tant son noir et blanc est riche.

Il s'harmonise avec le monde âpre qu'il saisi, celui de l'enfermement, de la prison, des hôpitaux psychatriques, des maisons de retraite, tout comme il souligne la joie de vivre qui inonde cafés et fêtes foraine.

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Sa dernière série, par laquelle s'ouvre l'exposition, s'intitule City Diary (encore une fois, j'ai pensé à Annie Ernaux et ses journaux extimes, précédemment mentionnés). Cette fois-ci, l'artiste se balade de ville en ville, en Europe comme aux Etats-Unis, et immortalise des moments tout simples, des visages, des regards, des scènes de vie, mais aussi ce que j'appellerais des "installations fortuites" : des tuyaux emmêlés, un tronc d'arbre tarabiscoté,... Des hasards urbains qu'il faut savoir observer pour en retirer l'essence et le sens.

Petersen donne sa chance au banal, au quotidien, qu'il transfigure par son regard et son art. Son oeuvre prend mille visages, tour à tour charnelle, sensuelle, elle peut aussi mettre mal à l'aise (je ne me suis pas attardée devant les clichés pris en maison de retraite ou à l'hôpital psychiatrique,... J'avais eu le même sentiment de malaise face à certaines photographies de Diane Arbus). Mais toujours, elle nous invite à réfléchir, à inventer notre propre petite histoire, à interpréter l'image, à sonder les âmes.

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Cette rétrospective aux airs d'autoportrait éclaté nous invite également à reconstituer le parcours et la personnalité d'un artiste auquel on s'attache tout autant qu'on apprend à aimer les modèles qui se sont livrés à son objectif.

L'oeuvre de Petersen tient du documentaire autant que de la performance, c'est une oeuvre de hasard comme de précision, de dedans et du dehors. Pour le visiteur, une expérience unique, parfois douloureuse, mais bouleversante, dont on ressort plus tout à fait le même mais nourri de la vie des autres.

«La seule chose que vous apprenez avec le temps, c’est que sans vos amis, vos proches, les gens autour de vous, vous n’êtes rien, c’est aussi simple que ça.»

Voilà pour l'exposition de la semaine mes Doux ! J'espère vous avoir permis de faire une découverte, que je ne qualifierais pas de "belle" -l'oeuvre de Petersen ne se plaçant pas nécessairement du côté de la séduction- mais intéressante.

Des bises :)

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Commentaires
F
Moi je suis bien contente que tu nous fasse ce compte rendu même si l'expo est terminée ! Je n'ai malheureusement pas eu le temps de m'y rendre avant la date fatidique mais je le regrette car ce que tu nous en dis m'attire beaucoup ! <br /> <br /> Merci :)
C
J'aime aussi le noir et blanc. Je me souviens que dans un cours sur la mythologie grecque, j'avais fait l'analyse d'un tableau de Danaé par Waterhouse - mais comme l'original avait été volé il y a longtemps, on n'en avait plus qu'une photographie en noir et blanc. Et je m'étais dit qu'en couleurs, il devait être moins frappant en fait...
L
Rock n' roll en effet. Et aussi de forts jolis clichés. Tu me fais découvrir une rétrospective dont j'ignore tout. J'apprécie son côté sombre, réaliste, vivant oui mais à fleur de peau. La balade est à l'état brut et j'aime ça ! <br /> <br /> Bonne semaine à toi ma belle Emma :)
She wore blue velvet
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