Le Roi Lear, de Shakespeare, mis en scène par Christian Schiaretti
Bonjour, bonjour !
Entre deux expositions, que diriez-vous d'une pièce de théâtre, mes Amis ? Et pas des moindres car celle que je vous présente ce matin est sans aucun doute la plus grandiose qu'il m'ait été donné d'applaudir.
Shakespeare a le vent en poupe ces temps-ci, et pour cause, nous avons célébré le mois dernier le 450ème anniversaire de sa naissance. Aussi, à Paris -mais sans doute dans d'autres villes (j'attends vos lumières)- les événements autour du dramaturge se multiplient : adaptations cinémathographiques, exposition et, bien entendu, pièces de théâtre. J'ai eu l'immense chance d'assister à une représentation de l'une d'elles dimanche dernier et son souvenir me bouleverse encore.
Le Roi Lear de Schiaretti, directeur du TNP de Villeurbanne, a été créée en 2006, et donne à entendre la traduction empreinte de poésie d'Yves Bonnefoy. Le texte -parce qu'il faut bien commencer par quelque chose- est une merveille, une pépite d'humour, de pertinence, d'intelligence ; les mots coulent, roulent et les idées jaillissent, les sentiments et émotions sont mis en mots comme jamais ; on rit, on tremble, on retombe en amour le texte, le plaisir du texte. Pour autant, Le Roi Lear n'est pas une pièce faite pour être simplement lue ; tragédie en vers et en prose, composée au tout début du XVIIème siècle, elle se tient éloignée du concept de Musset qui pronait un "théâtre dans un fauteuil". Le texte doit être clamé, vécu, écouté et entendu tandis que l'intrigue, ou plutôt les multiples intrigues, sont faites pour s'emmêler et se déméler sous nos yeux.
Pour satisfaire ces exigences, qu'il serait fort dommage de snober, le metteur en scène doit faire preuve d'inventivité, ce dont Schiaretti ne manque pas puisque son Roi Lear est ébourrifant, mais également s'entourer d'une troupe talentueuse. Celle du TNP, réunissant une vingtaine de comédiens, est tout bonnement ahurissante, secoue, agite cette fresque de près de quatre heures qui filent à l'anglaise. Dans le rôle-titre, le plus que bien nommé Serge Merlin nous enchante et livre une performance qui ne peut qu'évoquer celle de Michel Bouquet dans Le Roi se meurt. Forcément. Octogénaire splendide, le comédien qui avait déjà incarné Lear quelques décennies auparavant, est fascinant, rempli d'une énergie surhumaine, son jeu touche au divin, sa prestance n'a plus rien de terrestre, son interprétation fait montre d'une technicité, d'un savoir-faire et être qui dépassent l'entendement. Sa voix, ses gestes, ses regards ; ses airs de fou, ses rires d'enfant, sa détresse de père, sa folie font de lui un roi beckettien de toute beauté. Envoûté tout autant qu'envoûtant, il offre une partition aussi complexe que prodigieuse.
Je vous l'assure, je n'avais jamais JAMAIS ressenti autant d'admiration pour un ensemble d'acteurs. Ajoutons à leur talent, ainsi qu'au mariage heureux du génie shakespearien et de la plume de Bonnefoy, une mise en scène d'une sobriété bienvenue qui laisse toute sa grandeur à la troupe mais met également en valeur les incroyables costumes qui parent ces silhouettes chorégraphiées, en perpetuel mouvement. Sortis tout droit d'un grimoire, d'un conte de fée richement illustré et enluminé, vêtements et accessoires sont un passeport pour une plongée dans le temps.
Cette pièce restera pour moi ma plus euphorisante expérience théâtrale, celle qui m'aura donné à entendre et à voir Shakespeare sublimé, réinventé. Pour sûr, je veillerai à ne manquer aucune création signée Schiaretti, tout comme je veillerai à marcher dans les pas de sa troupe. Par ailleurs, cette pièce d'une grandeur royale m'a donné des ailes pour tutoyer le dramaturge, aussi, je vais mettre à profit ces prochains jours pour participer aux autres événements culturels mis en place pour l'honorer, à commencer par l'exposition présentée au musée Delacroix, évoquée par Shelbylee sur son blog aux couleurs shakespeariennes !
Bonne journée à tous :)