Parmi ses nombreux pouvoirs, la littérature a celui de nous donner envie, encore et toujours, de nous balader de livre en livre. Souvent, alors que j'entame à peine la seconde partie d'un roman, mille titres se bousculent dans ma tête et réclament d'être découverts.

Mais ceci est également vrai au cinéma. Il n'est pas rare que devant un film, je pense à des ouvrages dont je sais les univers proches de celui qui s'étend sous mes yeux. C'est ce qui m'est arrivé il y a peu lorsque deux immenses coups de coeur cinématographiques venus d'Asie, The Land of Hope et Une Vie simple, m'ont donné envie de renouer avec la littérature japonaise que j'avais délaissée ces derniers mois.

C'est ainsi que j'ai croisé la route de Vers la lumière, concentré de grâce et d'espoir. Une ode à la vie, à la joie de vivre, à la reconnaissance et à l'humilité ; une leçon de dignité humaine, féminine et d'optimisme qui m'a profondément touchée.

vers la lumière

L'auteur de ce court roman, Genyû Sôkyû est sous-directeur du temple Fukujuji de la secte zen Rinzai-Myoshinji, ce qui explique bien des choses quant à la sérénité qui enveloppe ses mots. Récompensé en 2001 par le prix Akutagawa (le Goncourt japonais) pour son roman Au-delà des terres infinies, il est aussi l'auteur d'essais sur le bouddhisme. Spiritualité et belle plume sont la marque de son écriture, une écriture intime, simple, fluide et touchante, sublimée par un vaste de monde de sensations.

La narratrice de Vers la lumière est une femme âgée, atteinte d'un cancer. Sur son lit d'hôpital, elle attend la mort, entourée de sa fille et du mari de celle-ci, bonze d'un temple bouddhiste. Dans la chambre, se succèdent les visiteurs et les conversations où se mêlent souvenirs, anecdotes quotidiennes, théories scientifiques et métaphysiques. Et pour cause, cette femme malicieuse à la répartie insolite (les conversations qu'elle partage avec son gendre sont un régal de rhétorique !), tout en nous confiant les sensations qui la troublent et les souvenirs qui l'assaillent, soulève de multiples interrogations. Au fil des jours, allongée dans son lit, entre veille et sommeil, des images de sa vie lui reviennent mais n'obéissent à aucune logique temporelle, s'apparentent à des songes, la transportent de sa chambre à la ville de son enfance, ou auprès de son époux, en des lieux connus et inconnus, entre passé, présent et avenir. Mais qui est cette petite fille ? A qui appartient cette voix ? Quelqu'un vient de parler dans la chambre ou... ?

C'est une nouvelle dimension qui lui ouvre ses portes et avec elle une grande sagesse. Cette fuite du temps, ces errances sur lesquelles elle n'a acune prise, ne serait-elle pas, en effet, une sorte de bénediction ? Le signe d'une sérénité enfin atteinte, d'une plénitude retrouvée ? Toute notre vie se déroule sous le signe de l'ordre et de la logique, nous poursuivons le temps qui file toujours plus vite, qui nous fuit. Alors, lorsque l'esprit se pose et s'apaise, lorsque plus rien ne peut le contrarier, ne faut-il pas laisser ce que nous avons construit avec acharnement entrer dans sa propre danse ?

C'est avec beaucoup de sagesse que Vers la lumière aborde le thème de la fin de vie, de la maladie, mais également avec humour. Cette petite dame est tout à fait charmante, joviale, très attentive à tout ce qui l'entoure. Les dernières pages qui nous la présentent flottant au-dessus de ses propres obsèques, nous font partager toutes ses pensées et commentaires, concernant notamment son éloge funèbre : des pages poétiques, riches et d'une grande beauté qui justifient la lecture de ce roman et reflètent toutes ses qualités.

" -"Pour finir, voici pour toi le goût salé des oeufs de saumon. Et une tasse de thé."

L'éloge funèbre se termine sur ces mots. Je me dis que pour finir j'aurais préféré des chocolats au whisky..."

On ne peut que refermer le livre en le serrant tout fort contre son coeur, bouleversé par les mots et la dignité de cette femme que nous avons appris à aimer, totalement apaisé par cette lumière qu'elle émet jusqu'à nous.

Une lecture dans laquelle on se glisse avec plaisir, dont on savoure chaque phrase avec une lenteur salvatrice et dont on ressort différent, grandi et serein.

"Vers la lumière", de Genyû Sôkyû

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