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She wore blue velvet
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17 juin 2013

"I was looking at the ceiling...", le songplay urbain, dynamique et attachant de John Adams, secoue le Châtelet

Bonjour mes Chers :)

Je vous confiais vendredi matin n'être pas allée au théâtre depuis bien longtemps mais surtout avoir été déçue par les rares pièces vues au cours de cette année. Il faudrait que je tourne un nombre de pages insensé de mon agenda pour y trouver noté mon dernier spectacle musical. Oh ! J'ai bien vu des opéras (magnifiques, signés Wagner), des ballets aussi, mais c'est autre chose, d'autres passions encore. J'évoque ici les productions qui font la renommée de Broadway ou celles qui peuvent à elles seules motiver une escapade londonienne. D'ailleurs, je le tiens mon dernier spectacle musical : Billy Elliot au Victoria Palace en décembre.

A Paris, nous avons le Théâtre Modagor, qui a longtemps présenté Le Roi Lion et où j'ai pu voir Mamma Mia, ainsi que le Théâtre de Chaillot (ah ! Gershwin !) mais je me précipite bien plus volontiers au Théâtre du Châtelet, qui offre une programmation de grande qualité chaque saison avec -généralement- quatre très beaux "musical".

My Fair Lady, Edward aux mains d'argent, Show Boat, Les Misérables,... J'en ai pris plein les yeux et les oreilles dans cette salle rouge et or, véritable écrin de nos plus belles soirées, qu'on s'y rende seul ou accompagné. On s'y sent en confiance et conscient d'y vivre un moment magique, unique, privilégié (je n'oublierai jamais la soirée consacrée à Martha Graham Dance Company... Mon plus beau rêve dansant, me semble-t-il).

martha

Mercredi matin, après une nuit toute moche (satanées révisions !), un courrier du Châtelet en forme de piqûre de rappel et de vilaine tentation (surtout) m'attendait : I was looking at the ceiling and then I saw the sky est encore à l'affiche pour quelques représentations.

Resterait-il une petite place pour moi ? Oui ! Oh ! Quelle belle façon de célébrer la fin des écrits mercredi soir, dans ce cas ! Oh, mais non ! Après tout, pourquoi ne pas bien commencer le week-end, plutôt ? Un peu de détente avant la dernière ligne droite, en somme !

Ah ! Mes Chers, moi et moi-même communiquons beaucoup !

Ainsi donc, chemin faisant (^^), je me suis retrouvée, vendredi soir, confortablement installée, prête à renouer avec l'un de mes grands plaisirs avant de jouir des nouveautés de la rentrée, au premier rang du premier balcon.

On se sent unique, au Châtelet, je vous l'ai dit !

Créée à Berkeley en 1995 mais présentée pour la toute première fois la même année à la MC93 de Bobigny, I Was... , mise en scène par Peter Sellars, est une pièce musicale (a songplay) composée par John Adams à qui l'on doit El Nino ainsi que Nixon in China, créations déjà présentées au Châtelet. Il sera à nouveau à l'honneur lors de la saison prochaine avec A Flowering tree.

I Was... lui a été inspirée du tremblement de terre de Northridge ayant secoué et détruit une partie de Los Angeles en janvier 1994. Cette phrase magnifique, qui donne son titre à l'oeuvre, aurait été prononcée par l'une des victimes... Elle est concrètement terrible mais sa signification, dans son plus simple appareil poétique, me bouleverse. Le livret, signé par la poétesse June Jordan, nous laisse entendre une suite de vingt titres, sans intermèdes parlés, et nous conte les destins mêlés de sept personnages, de jeunes américains, sur fond de conflits raciaux et ethniques, au son du jazz, du blues, du rock et du gospel.

"Une histoire d'amour polyphonique dans le style de Shakespeare", selon le créateur.

I-Was

Ah mes Chers ! Quel plaisir de s'installer dans l'écrin qu'est le Châtelet ! De profiter à nouveau de la vie parisienne après six jours de claustration-révisionnelle ! Quelques minutes plongée dans cette ambiance à la fois tamisée et électrique, les lumières qui s'éteignent, les premiers applaudissements pour accueillir l'orchestre et son chef, et me voici transportée à Los Angeles.

Sur la scène, que le rideau révèle enfin, trois blocs figurent les différents lieux de vies que traverseront nos personnages : immeubles, centre social, tribunal, prison, restaurant,... Vidéos et images fixes y sont projetées ; les silhouettes sont simples, tout juste esquissées, mais les couleurs sont vives, donnant à ces tableaux d'intimité ou bouillonnants un fort dynamisme. Tantôt conviés dans un salon cosy, puis invités à traverser la ville by night, nous sommes -tout comme les personnages- sans cesse en mouvements.

i was2

Puis les artistes entrent en jeu avec le premier titre, le tubesque I was... qui viendra clôturer ces deux heures de spectacle moderne et urbain, d'une fraîcheur qui n'a d'égale que sa simplicité.

Je savais le livret influencé par divers style musicaux populaires mais j'ignorais que John Adams est une figure de proue de la musique répétitive, très influencé par Steve Reich dont j'apprécie le travail. Aussi, les rythmes familiers du rock, du jazz, du gospel,... de toutes ces musiques qui nous bercent depuis l'enfance, sont transcendés, métamorphosés, par l'art d'Adams qui semble déconstruire les sonorités pour les remodeler, nous les faisant ainsi redécouvrir, plus pures que jamais. Je suis fascinée par ce paradoxe, par cette impression d'approcher l'essence des choses alors même qu'elles viennent d'exploser littéralement ! La partition est donc tout à fait réussie, les chansons très entraînantes, les paroles -certes- un peu simplettes mais très modernes, drôles ou émouvantes, elles font efficacement et clairement avancer la narration. Le titre des Bad Boys, notamment, interprétée par les trois City Girls du spectacle, a séduit le théâtre, hilare et enthousiaste ! Comment résister à ces trois divas, énumérant les charmes et les atouts masculins ? De leur regard de braise à leur craquant sourire, de leur torse musclé à cette petite toison sous le nombril, de leurs fesses rebondies à ce... dard en majesté ! Impertinent et très drôle, vraiment !

i was

Malheureusement, la seconde partie de la pièce m'a semblé plus faible que la première, ce qui n'était pas attendu puisque secouée par la catastrophe et les drames individuels  elle est le vecteur de l'action mais, étrangement, le rythme manque, la belle machine s'essouffle un peu. La ville s'est effondrée et les sept personnages auxquels nous avons eu le temps de nous attacher au cours du premier acte vont vivre quelques douloureux moments. En effet, l'enfer collectif qu'ils traversent agit comme un catalyseur et toutes leurs failles intimes se révèlent. Des thèmes forts sont abordés, ou plutôt effleurés, la violence, le racisme, la clandestinité, l'homosexualité,... Les amours sont déçues, de nouvelles histoires se nouent,... En très peu de temps -et c'est peut-être là que pèche cet acte II, trop bref pour supporter sa charge dramatique- ils se révèlent à eux-mêmes et voient leur destinée chamboulée.

Une baisse de régime qui n'a rien à voir avec les interprètes, venus tout droit de Broadway, qui se révèlent parfaits de la première à la dernière note. Les voix sont puissantes mais jamais "beuglantes", d'une très belle justesse, ils incarnent véritablement les personnages, sans jamais les caricaturer. Ceux-ci sont pourtant de sacrés archétypes : le petit délinquant noir, tout juste sorti de prison, sa dulcinée sans papiers, originaire du Salvador, qui l'attend à la maison avec deux bambins sur les hanches, le policier blanc bercé d'illusions idéalistes, le jeune avocat commis d'office, "boat people",... Mais tout ce petit monde se mêle et se côtoie très naturellement, leurs aventures s'entremêlent et se suivent sans grande passion (la pièce ne repose pas sur son intrigue) mais avec un intérêt sincère, dû au charme et à l'énergie de l'ensemble.

i was3

Au terme de cette soirée, je suis rentrée chez moi comblée, un peu fatiguée de cette première sortie nocturne depuis bien, bien longtemps, mais heureuse d'avoir passé un si bon moment, devant un spectacle humble et néanmoins très fort, ne serait-ce que par sa bande-son dont je tiens à faire la bande-originale de ma belle saison. Je me réjouis de retrouver l'univers de John Adams en 2014, découvrir un artiste est également une chose précieuse que m'aura apporté ce songplay original, à l'aise dans son époque et hautement sympathique, dont je vous recommande de retenir le titre.

Je vous souhaite un très bon début de semaine, mes très Chers :) Pensez à moi : composition française de 9h à 15h. Aïe !

 

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Commentaires
P
Tiens, j'avais reçu l'email aussi, mais les dates ne collaient pas, dommage !<br /> <br /> Une amie l'a vu aussi et a dit comme toi, que la 2nd partie était vraiment moins bien ...<br /> <br /> Je vais par contre guetter ce que nous réserve 2014 pour découvrir John Adams !<br /> <br /> Gros bisous de courage pour la toute dernière ligne droite ma belle :)
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