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13 septembre 2013

Le Voyage d'hiver, d'Amélie Nothomb, lu par Thibault de Montalembert

Hello, Hello mes Chers :)

Beaucoup de billets consacrés à la belle jeunesse ces derniers temps, il est l'heure de faire place aux grandes personnes (même si un petit détour par le monde de l'enfance ne fait jamais de mal, au contraire).

J’ai profité de mon petit séjour au vert pour tenter une double expérience : la pratique du livre-audio et des retrouvailles avec Amélie Nothomb.

C’est l’été dernier, grâce à l’émission littéraire de Guillaume Gallienne, diffusée sur France Inter (toujours au programme cet été, d’ailleurs) que j’ai pris conscience du plaisir du texte lu. En effet, dans ça ne peut pas faire de mal, le présentateur et comédien consacre chaque jour une heure à un auteur, un thème, une œuvre et nous lit certains passages-clés de sa voix, douce, tranquille, animée. Ce rendez-vous quotidien est un bonheur et grâce à cette émission, j’ai découvert et redécouvert de merveilleux textes : les entendre plutôt que les lire permet d’en prendre pleinement conscience, ou de les saisir autrement. Les mots sonnent différemment et notre concentration est elle aussi différente. Par ailleurs, la lecture qui nous est faite est déjà une interprétation du texte, par les intonations du conteur, le rythme qu’il choisit de donner au phrase ; la musicalité du texte peut être véritablement sublimée. 

Aussi, étant fâchée avec Mademoiselle Nothomb suite à plusieurs grosses déceptions –après avoir dévoré ses premiers romans- j’ai pensé que le livre-audio pouvait être une voie-x de réconciliation. Autre intérêt à choisir un roman d’Amélie : sa brièveté qui, pour une première expérience, me semblait un atout (pas très envie de me lancer dans une écoute de plus de dix heures).

Le Voyage d’Hiver s’est donc glissé dans ma valise et, mes Chers, laissez-moi vous dire que j’en suis doublement ra-vie ! Non seulement, je suis totalement convaincue par les qualités, que dis-je, les vertus de l’écoute livresque, mais j’ai retrouvé un vif intérêt pour cette auteure délaissée, à mon plus grand regret.

 

voyage d'hiver

Le Voyage d’hiver nous plonge au cœur d’une histoire d’amour. Belle, cruelle, terriblement romantique, follement romanesque, fantasque et pourtant terriblement réaliste. Autrement dit, un concentré de l’univers d’Amélie Nothomb, lorsqu’elle donne le meilleur de sa plume trempée dans le cynisme et fait se côtoyer et se répondre excentricité et banalité.

Nous rencontrons Zoïle, un homme d’une quarantaine d’années, qui annonce et énonce très clairement son projet du jour, faire exploser un avion. Il n’a pourtant aucune revendication, agit sous le coup d’une pulsion, ne s’envisage pas comme un terroriste mais plutôt –selon ses propres termes- comme un « hijacker du dimanche ».

Profitant de l’attente avant l’embarquement, il rédige ce texte dont il nous fait part, une sorte de confession, en aucun cas une justification, seulement le récit de la singulière rencontre amoureuse qui le conduit à cette folie.

Zoïle se livre tout entier à la première personne et remonte le temps. Introspection rétrospective, sans pour autant chercher dans ses souvenirs des circonstances atténuantes. Il nous raconte son enfance, son adolescence, ses rêves et déceptions, ses parents, les filles, le lycée, ses amis ; ses espoirs et ambitions. On découvre un philologue, un véritable amoureux des mots, féru de traduction, passion à l’origine de très belles lignes sur ce rapport singulier et si complexe au texte. Zoïle évoque l’acte d’écriture qu’il définit comme « une implication physique de la pensée » : il nécessite une stimulation de l’esprit qui engage tout le corps. On retrouve l’un des thèmes chers à Amélie Nothomb, la nourriture, ou plutôt les troubles alimentaires, déjà au cœur de Métaphysique des tubes, puis que l'on retrouve dans Une forme de vie (que j'ai lu et adoré depuis). 

Comme j’ai aimé cette partie monologuée, entièrement dédiée à l’écriture ! Amélie Nothomb développe des réflexions non dénuées d’humour et absolument passionnantes avec ce don remarquable dont ses textes témoignent le plus souvent : elle parvient, en toute simplicité, en quelques mots, à nous faire prendre conscience de concepts, préceptes, théories sinon complexes, du moins sensibles. Des pages, des tomes, des encyclopédies pourraient être consacrés à certains sujets qu’elle ose aborder avec malice, sous couvert d’une apparente légèreté.

Rapport au texte, aux mots, aux lettres sous toutes leurs formes dans ce roman qui fait la part belle à la littérature.

Il y est aussi question de correspondance, de l’échange épistolaire qui engendre bonheur comme déception. En effet, quelle impatience chaque matin, quel frisson en ouvrant la boite aux lettres alors que nous sommes dans l’attente d’un pli. Mais quel désarroi lorsque l’on tient dans la main factures et publicités uniquement.

En dépit de son talent et de sa dévotion, Zoïle ne devient pas homme de lettres mais consultant EDF. Et c’est dans le cadre de son travail qu’il rencontre celle qui deviendra sa bien-aimée, l’objet de sa passion, l’origine de sa folie. Très exactement, ce sont deux jeunes femmes qu’il rencontre : l’une est une beauté, l’autre une « débile », selon Zoïle. Elle est en fait atteinte d’une forme d’autisme qui la pousse à dévorer des macarons Ladurée et à boire des litres de thé (aheum). Toutes deux partagent un appartement miteux dans le quartier Montorgueil à Paris, nous sommes au mois de décembre et ce logis privé de chauffage et vétuste est glacial, ce qui ne semble pas les déranger outre mesure. Du moins, elles font avec.

L’une est romancière l’autre se présente comme son « interface » et c’est à nouveau la littérature qui est mise en mots et en pensées alors que sont évoqués acte de création mais aussi tout ce qui fait le triste quotidien d’un écrivain. L’ironie d’Amélie Nothomb fonctionne alors à plein régime : monde de l’édition, salon du livre, rapport avec les lecteurs,… L’auteure fait montre de son habituelle autodérision lorsqu’il est question des couvertures des romans montrant un portait en gros plan de l’écrivain : marque de fabrique des romans nothombiens !

A travers cette double-rencontre, on entre dans la passion, la fascination, la répulsion. On s’interroge sur le lien entre les deux femmes qui semblent avoir noué une relation très particulière, tendre, sororelle. Mais qui sont-elles ? Zoïle trouvera-t-il sa place au milieu de cet insolite duo ?

Il faudra, mes Chers, vous laisser embarquer pour ce Voyage d’hiver totalement « tripant » pour le savoir.

J’ai pris un plaisir infini à cette écoute et j’aimerais insister sur la grande satisfaction que j’ai eu à retrouver, par l’intermédiaire de la voix du lecteur, tout ce que j’aime/ ais chez Amélie Nothomb. Son indéniable et célèbre sens de la formule est idéalement mis en valeur par la lecture à voix haute : j’ai davantage pris conscience de la musicalité de son texte, du mélange parfaitement judicieux des phrases longues –qui nous transportent- et des plus brèves –qui ne nous laissent pas le temps de penser, s’imposent, nous surprennent. Généralement, celles-ci détiennent une forme de vérité qui nous reste obstinément en mémoire. Le travail sur le vocabulaire (l’auteure aime à user de termes rarissimes tout comme elle affuble ses personnages de prénoms insolites) est également mis en valeur par les intonations du lecteur ; les mots résonnent plus juste, plus fort. On ne les comprend toujours pas mais ils nous font entendre leur petite mélodie intime ce qui permet d’adopter un nouveau point de vue concernant cette obstination de l’auteure à nous dégotter, roman après roman, les termes les plus tarabiscotés du dictionnaire. 

C’est donc tout l’univers nothombien que j’ai retrouvé, fond et forme, richesse du style et des thématiques grâce à cette expérience.

Je ne sais si Le Voyage d’hiver est un cru particulièrement fameux ou si c’est grâce au livre-audio que j’ai passé un si bon moment. Ce qui est certain, c’est que je n’ai pu interrompre mon écoute ; j’ai beaucoup apprécié créer autour de cet instant une ambiance en y apportant plus de soin encore que lorsque j’ouvre un livre. J’ai écouté ce roman la lumière éteinte, ma chambre éclairée d’une simple bougie parfumée. Dans l’intimité de mon lit, impression de recueillement ; tantôt les yeux fermés, tantôt saisie par une forme de suspense. J’ai ri, j’ai attendu, j’ai apprécié les petites notes de musique entre les chapitres, ainsi que d’autres détails qui –à mon sens- subliment un texte de grande qualité. 

Réconciliée avec Amélie, hautement convaincue par le livre-audio, je me suis empressée d’emprunter Barbe-Bleue. Mais de ce roman-là nous parlerons une prochaine fois ;)

Et vous, mes Chers, pratiquez-vous le livre-audio ?

Mais aussi, cela m’intéresse beaucoup, avez-vous LU ce roman d’Amélie Nothomb ?

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Commentaires
P
Jamais testé les livres audio.<br /> <br /> déjà lu 2 nothomb, c'est spécial mais j'aime bien.<br /> <br /> ce livre je l'ai dans ma tablette avec tout un tas d'autres d'Amélie.<br /> <br /> <br /> <br /> Lecture audio je sais pas si j'arriverai, je pense m'endormir en écoutant quelqu'un me raconté un histoire :-)
E
Il y en a plein a Saint-Eloi en plus !!!<br /> <br /> Bisous !
P
Je n'ai jamais tenté le livre-audio mais vu ton enthousiasme, je pense que je vais regarder ça de plus près tiens !<br /> <br /> Ravie de voir que tu es réconciliée avec Amélie pour ce dernier livre ;)<br /> <br /> Gros bisous
M
Je vais dans le sens de Brijou. Une belle façon de les apprécier ou durant un moment d'insomnie?? <br /> <br /> Je n'ai jamais lu Amélie N. mais si je me décide, j'aimerais bien Stupeur et Tremblements dont j'ai souvent entendu que du bien. :)
E
Ah oui, tiens, pour agrémenter une séance repassage, c'est une bonne idée (que je vais souffler à ma mère ^^).<br /> <br /> Oui, tout à fait : la voix, le ton du lecteur sont à l'origine de tout le plaisir que nous pouvons prendre à cette "pratique". C'est ainsi que Guillaume Gallienne m'a "convertie" !<br /> <br /> Bises ma chère Brijou :)
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