Braque s'expose au Grand Palais
Bonjour mes Chers !
Puisque nous nous trouvions dans l'enceinte du Grand Palais pour l'exposition Miss Dior, je vous propose d'en profiter pour visiter celle consacrée à l'oeuvre de Georges Braque.
Il s'agissait pour moi d'une parfaite découverte. C'est ce que j'aime avec les expositions : le fait de pouvoir admirer les oeuvres d'artistes aimés et admirés ou de me laisser transporter dans un tout nouvel univers. Je le confesse, celui de Braque ne m'attirait pas plus que cela, n'ayant jamais su apprécier le cubisme. Mais ma curiosité, quelques articles lus ici et là ainsi que les encouragements de mon professeur d'arts plastiques ont réussi à me convaincre. De toute façon, vous en conviendrez, il est toujours bon de dépasser ses a priori ; on a toujours un enseignement à apprendre, une information à saisir, une passion à admirer. C'est ainsi qu'on enrichit son propre univers, qu'on laisse son esprit s'ouvrir à d'autres horizons ; une démarche immanquablement bénéfique, pour soi-même et pour le rapport à l'Autre puisque -à mon sens- de l'ouverture d'esprit vient la tolérance.
Aussi, j'ai visité cette vaste rétrospective comme j'aurais feuilleté un riche catalogue dédié à l'oeuvre de l'artiste. Et, force est de constater que, si je n'ai pas tout apprécié, j'ai énormément appris, été séduite par la personnalité du peintre, émue par sa sensibilité et mon regard sur le cubisme s'est métamorphosé puisque grâce à la pertinence des cartels, j'en ai enfin saisi les principes, concepts et ambitions.
Braque est indubitablement l'artiste idéal pour une belle leçon de cubisme puisqu'il en est l'inventeur ! Rien que ça, c'est une information capitale, n'est-ce pas ?! Après sa période fauve -admirateur de Cézanne, il découvre le fauvisme en 1905- qui l'amène à peindre des paysages maritimes d'Estaque et de La Ciotat, il lance le cubisme en 1908, par le biais de sa première exposition. Il dit d'une de ses oeuvres :
"Une toile fauve qui ne rugit pas" et, en effet, c'est cette impression de calme, de grande sérénité qui émane de ses premières toiles.
Quant au cubisme, j'ai appris à poser des mots dessus : l'espace est non-perspectif tandis que les volumes géométriques et compacts sont articulés par plans. Matisse parle alors de "petits cubes", tandis que pour Braque, ce mouvement est une recherche de l'espace. Aussi, natures mortes et paysages ont sa préférence. C'est une révolution esthétique qu'il mène avec son ami Picasso. J'ai beaucoup aimé les couleurs de ces toiles, dans les tons gris et marron, ainsi que les formes émiettées, interchangeables. Sacré-Coeur ainsi que Broc et violon, mais également Femme à la mandoline et Nature morte au violon, m'ont séduite bien plus que j'aurais pu l'imaginer.
Mon impression était celle que mon regard devait reconstituer l'oeuvre, qu'il m'était fortement suggéré de participer à sa (re)construction. J'aime l'idée d'une oeuvre -musicale, picturale, théâtrale, littéraire- qui réclame la participation active de celui qui en profite ; je déteste le "prêt-à-penser", rester passive m'ennuie.
1912-1914 marquent une nouvelle invention de l'artiste : les papiers-collés -technique qui passionne et qu'admire mon professeur-. Des chutes de papier peint recouvrent par endroits des natures mortes et donnent aux objets couleurs et matière. Je n'ai pas été particulièrement sensible à ces créations et, assez étonnamment, c'est le cubisme synthétique (1913-1917) qui m'a à nouveau stimulée : la forme ovale des tableaux ainsi que l'introduction des lettrages sont à retenir.
En 1924, Braque collabore aux ballets russes et de ses compositions se dégage son amour de la musique : il représente des instruments ainsi que des partitions. Lui-même musicien, il rend hommage aux artistes et oeuvres qu'il apprécie. Impossible pour moi de ne pas faire le rapprochement avec la démarche de Dior !
Autour des années 30, il opère un retour au figuratif, ses natures mortes se font décoratives et il nous offre de magnifiques scènes d'intérieur et des silhouettes -celles des muses de la poésie et de la musique- qui m'ont touchée.
Tout comme j'ai été subjuguée par ses illustrations de La Théogonie d'Hésiode, illustre texte du poète grec, évoquant la naissance de l'univers ainsi que l'origine des Dieux. La profondeur du noir m'a tout particulièrement éblouie.
1941-1944 est une période douloureuse, marquée par l'Occupation. Un climat d'inquiétude plane sur les productions de Braque : têtes de mort, crucifix, rosaires envahissent les scènes d'intérieur baignées de solitude, mélancolie. Là encore, j'ai ressenti beaucoup d'émotions face aux silhouettes recluses, peintes de dos, le regard tourné vers des fenêtres ouvertes... Tant de mystère, d'espoir. Ou de désespoir, je ne saurais dire... Quelle différence avec les paysages vifs et colorés de ses débuts, emplis de sérénité !
Sur la fin de sa carrière, ses toiles se font plus grandes, les couleurs plus nombreuses. Les derniers paysages sont d'ailleurs des panoramas (autre différence avec les toiles représentant l'Estaque et La Ciotat qui étaient de modeste format).
Il est à cette même époque, 1954-1962, le premier artiste moderne invité à décorer le Louvre, par le ministre de la culture, Malraux. Stimulé par cette commande pour un des plafonds du musée, il produit sa série "Les Oiseaux" (dont on peut voir une représentation sur l'affiche), pleine de vitalité.
J'ai eu le sentiment que l'artiste, en fin de vie, invitait notre esprit et notre âme à prendre leur envol (ce qui est de bon augure en fin de parcours muséal !). Si les premiers paysages représentent la mer, ces vastes toiles (la grande salle qui les expose est idéale, lumineuse, aérée,... Parfaite !) nous invite à déployer nos ailes, à pénétrer ces cieux vers lesquels il nous attire, tout en nous tenant la main, pour nous rassurer face à l'inconnu, à l'immensité.
Ainsi s'achève l'exposition et ma découverte d'un artiste passionnant ! Quelle carrière impressionnante, quel bel entrain, quelle ouverture sur le changement, la nouveauté, les nouvelles expériences,... Vous ne pensez pas ?
Une très belle rétrospective en forme de leçon de vie qui m'encourage à découvrir encore et toujours, à sauter, sans peur, dans l'inconnu.